COMPLOT DE 1965 – dit de Petit Touré

A.Présentation générale

Motif. Dépôt au Ministère de l'Intérieur le 11 septembre 1965 des statuts du P.U.N.G (Parti de L'Unité Nationale Guinéenne). Principaux accusés :

  1. Touré Mamadou dit Petit Touré, Commerçant
  2. Touré Moussa, frère de Petit Touré
  3. Touré Kèlètigui, frère de Petit Touré
  4. Tounkara Jean Faragué, Ministre, ancien membre du Bureau Politique du PDG
  5. Keita Mamoudou, Commandant du Camp Camayenne
  6. Bayo Souleymane Adjudant-chef, chef de poste au Bloc
  7. Mme. Touré née Alamdia Keita, épouse de Petit Touré
  8. Touré, fils de Petit Touré et Alamdia, né en prison
  9. Madame Touré née Kadidiatou Diallo, épouse de Kèlètigui Touré Touré, et son enfant de 20 mois
  10. Elhadj Bô Touré, père de Petit Touré
  11. Kaba Sory, Ambassadeur
  12. Camara Bangaly, Ministre, ancien membre du Bureau Politique du PDG
  13. Koulibaly Waféré, ancien étudiant en France, rentré en Guinée en 1959
  14. Kamano Vincent
  15. Yansané Sékou Mouké, professeur

Nombre total de détenus au camp camayenne: quatre-vingt-seize (96)

  1. Diallo Kolon, à Labé
  2. Sidi Diarra, à Kankan
  3. Baldé Mountaga
  4. Baldé Hassimiou
  5. Fofana Ibrahima

Il y eut également des arrestations d'étudiants pour soutien au corps enseignant dont :

B.Détenus les plus connus

  1. BANGOURA Thierno, commerçant, décédé en 1965
  2. BAYO Souleymane, adjudant-chef, chef de poste au Bloc Boiro, exécuté en 1965
  3. CAMARA Moussa, mort
  4. DIALLO Kadiata, épouse de Kélétigui Touré, arrêtée le 19-12-1965 avec son bébé de 20 jours, libérée
  5. DIALLO Manga, arrêté à Mali, décédé
  6. DIALLO Seidy, décédé
  7. DIALLO Tahirou, arrêté et décédé en 1965
  8. DIALLO Thierno, capitaine, décédé
  9. DIALLO Yaya Touni, de Labé, arrêté en 1965, décédé à Kindia
  10. DIENG Boubacar Djeli, arrêté à Mali en 1965, décédé
  11. KEITA Alamdia, Nigérienne, épouse de Touré Mamadou, libérée en 1970 et renvoyée sans son enfant à Niamey
  12. KEITA Mamoudou, commandant
  13. SAMAKE Thiécoura, arrêté et décédé en 1965 à Boiro
  14. TEGUEREIN Aldiouma, arrêté en 1965 à Mali
  15. TOURE Alpha, administrateur, arrêté en 1965, décédé à Boiro
  16. TOURE Bachir, arrêté en 1965, décédé à Boiro
  17. TOURE Fodé Idrissa, arrêté en 1965, décédé à Boiro
  18. TOURE El Hadj Sény, commerçant arrêté en 1965, mort à Boiro
  19. TOURE Kélétigui, frère de Petit Touré, mort de diète noire le 2-11-1965
  20. TOURE Mamadou, dit Petit Touré, mort de diète noire le 31-10-1965
  21. TOURE Youssouf, né en prison et libéré 3 ans après
  22. YANSANA Nènè Momo, agent du Trésor, exécuté en 1965

« SÉKOU TOURÉ Un totalitarisme africain »

De Maurice Jean Jean

Chapitre VII

Le complot permanent

1- (Page 134) Un nouveau complot va être mis à nu, le 3ème complot dit « des commerçants »

, le 9 novembre 1965. Sékou Touré dénonce dans ses œuvres complètes un complot tramé le 2 octobre 1965 par Houphouët-Boigny lors d’un séjour à Paris à l’occasion du mariage de son fils, avec la complicité de deux ministres français, MM Jacquinot et Triboulet, et de l’éternel bouc émissaire Jacques Foccart.
C’est dans ce contexte que va être dénoncé le complot des « commerçants » animé par Mamadou Touré dit « Petit Touré » à cause de sa petite taille. Riche commerçant, il vivait en Côte d’Ivoire où il faisait preuve d’un activisme nationaliste pro Sékou Touré dont il soutenait le régime en tant que descendant authentique de l’Almamy Samori Touré. Houphouët-Boigny l’incita à rejoindre son pays où il fut accueilli très officiellement. Il constituait une recrue de choix après la fuite à l’étranger des élites guinéennes. Il fut nommé immédiatement à la tête du Comptoir Guinéen du Commerce Intérieur qui coiffait l’entreprise d’Etat Sonatex qui avait le monopole de l’importation et de la distribution de tous les produits textiles. A ce titre il était devenu très populaire auprès des femmes guinéennes qui étaient la « chasse gardée » de Sékou Touré. Se croyant intouchable du fait de ses origines et de sa popularité, il décide de créer avec Bengali Camara et Tounkara Jean Faragué un parti, le PUNG comme l’autorisait la Constitution guinéenne. Sékou Touré n’avait-il pas déclaré que « si un parti veut se dresser devant Sily (l’éléphant) c'est-à-dire le PDG, et si nous avons la conviction intime que ce parti ne bénéficie d’aucun subside de l’extérieur, non seulement nous accepterions de croiser le fer avec ce parti, mais nous pourrions même lui prêter 100 millions de FG pour lui permettre de nous combattre. » selon Vaféré Coulibaly
A ce stade, les témoins que j’ai interrogés donnent différentes versions des évènements. Selon l’un, les statuts du nouveau parti furent déposés au Ministère de la Défense et de la Sécurité dont le titulaire était Fodéba Keïta. Ce dernier, jugeant cette création conforme à la Constitution accepte de les enregistrer, alors que Sékou Touré est en déplacement à l’étranger. Dès son retour à Conakry il organise un meeting pour dénoncer un nouveau complot et annonce l’arrestation de Petit Touré, Bengali Camara, Tounkara Jean Faragué. Petit Touré périra sous la torture avec quelques complices. Des centaines de Guinéens furent éliminés à cette occasion. Fodéba Keïta paiera de son poste de Ministre de la Défense et de la Sécurité ce faux-pas. Il sera rétrogradé au poste de Secrétaire d’état à l’Economie Rurale
Selon un autre témoin, Fodéba Keïta aurait été approché par ses compagnons du PDG Bengali Camara et Tounkara Jean Faragué pour rejoindre le nouveau parti et devenir Président de la République. Mais considérant que Fodéba Kéïta appartenait à une famille de griot et que son père avait été le griot de son grand père l’Almany Samori, Petit Touré s’est opposé à cette désignation, revendiquant ce poste du fait de son ascendance. Ce désaccord entre les comploteurs et un manque évident de préparation firent échouer ce complot. S’appuyant sur la loi, ces opposants semblaient ignorer que la Constitution ne valait que par l’interprétation que lui donnait Sékou Touré. Ces évènements se sont entrecroisés avec d’autres qui vont détériorer les relations franco-guinéennes pour une longue période. Alors Sékou Touré accuse la France d’être impliquée dans le complot de « petit Touré », le ministre des Affaires Etrangères de Guinée convoque à son bureau le 17 novembre 1965 tous les membres du Corps Diplomatique pour les informer sur le complot. L’ambassadeur de France Philippe Koenig, sur instruction de son gouvernement, refuse de s’y rendre. Sur appel téléphonique du ministre guinéen, en présence de tous ses collègues ambassadeurs, il réitère son refus. « Dans ce cas vous n’êtes plus ambassadeur en Guinée et il ne vous reste qu’à regagner Paris. » A titre de rétorsion la France expulse l’ambassadeur guinéen Nanamoudou Diakité. Les relations franco-guinéennes entrent dans une phase de tension et resteront rompues jusqu’en 1975. C’est l’ambassade d’Italie qui va représenter les intérêts français.
Sékou Touré s’en prend violemment à tous les chefs d’état des pays amis de la France, notamment la Côte d’Ivoire et le Sénégal. Houphouët-Boigny, son protecteur du temps du RDA, devient l’homme à abattre. Des incidents de frontière dont l’origine est difficile à établir viennent alourdir ce climat d’hostilité. C’est l’occasion pour les Guinéens immigrés en Côte d’Ivoire de se rassembler et de créer, en avril 1966, le Front de Libération Nationale de Guinée dont nous aurons l’occasion de reparler.


Camp Boiro – Parler ou périr – R.A. Gomez – 2007 – Ed. .L’Harmattan – pp. 197-198