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Tierno Sabitou BA
Tierno Ba est né le 29 décembre 1935 à Boké. Il est le fils de Ba Madani Sabitou, né en 1896,
directeur de l’école régionale de Boké pendant 10 ans et de Fatoumata Sy Savané, née en
1910.
Madani Sabitou est descendant dImrana Hèla de Timbi Touni. Sa famille, venue avec El Hadj
Oumar Tall, s’est installée dans un premier temps à Héllayabèh, puis à Dinguiraye. Quant à
Fatoumata, elle était l’unique fille de Bocar Hamidou Sy Savané et de Maimouna Ba, une Peule
du Macina. Quand son père décédât, Tierno Ba faisait ses études à Lyon. Il n’eut le temps de
revenir l’enterrer. Ceci explique probablement pourquoi il a voulu rester en Guinée s’occuper
de son père, qui décédera en 1969, plutôt que de chercher à fuir le pays.
Tierno Ba avait trois frères et sept sœurs. Par ordre d’aînesse, Hadja Kadé Ba, épouse de feu
Bocar Biro Barry (diplomate), Hadja Nima Ba Sow (institutrice, première députée de Guinée,
et pensionnaire du camp Boiro pendant huit mois pour avoir fait fuir ses enfants hors du pays.
Hadja Nima est aussi l’épouse de Sow Mamadou, lui-même mort dans les geôles de AST) , feu
Mamadou Ba (chef de l’opposition guinéenne sous Lansana Conté, et condamné à mort par
contumace sous la Première République), Hadja Maimouna Ba (pharmacienne) épouse de feu
Docteur Bocar Maréga (exécuté à Kindia), feue Souadou Ba, épouse de feu Mamadou Dia
(diplomate à la FAO), Aissatou Ba (institutrice et chef d’établissement scolaire), Bocar Ba
(commerçant), Aliou Ba (commerçant), Macka Ba (ingénieur informaticien) et Madina Ba
(expert-comptable).
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Tierno Ba fit ses études primaires un peu partout en Guinée, au gré des affectations de son
père. C’est ainsi qu’il a vécu à Siguiri, Dinguiraye et Faranah. En 1946-1947, il était dans la
même classe que sa sœur aînée Maimouna Maréga, qu’il battait en Mathématiques. Il était
intelligent, organisé et capable de gérer énormément d’activités à la fois. Mais, à Faranah, il
eut un ulcère au pied et dut perdre une année, le temps des soins et de la convalescence.
Après son CEPE, obtenu en 1948, il fut envoyé par son père à Saint Louis, poursuivre ses études
à l’internat. Sa famille d’accueil, celle de Bouna N’Diaye, était très influente à l’époque, et
Bouna N’Diaye était un ami de l’oncle de Tierno Ba, Thierno Ousmane Diop.
Tierno Ba a fait sa scolarité au lycée Faidherbe de Saint Louis. Il était de la même promotion
de l’ancien président Abdou Diouf du Sénégal, de qui il était très proche. Brillant, il fut admis
au Lycée LAKANAL à Sceaux, en France ; un lycée d’excellence encore de nos jours. Il passa
son bac section Math-Elem à l’âge de 18 ans ; ce qui était une prouesse à l’époque. Il était si
éloquent que ses professeurs voulaient qu’il soit enseignant, comme son père, mais lui
préférait être médecin. C’était un rêve d’enfance, qu’i ne réaliserait. Mamadou Ba, son aîné,
avait tant d’influence sur lui qu’il le convainquît de devenir vétérinaire ; ce qu’il accepta
volontiers compte tenu de son amour pour les animaux ; chose compréhensible pour un Peul.
A l’époque pour être vétérinaire, il fallait faire une année préparatoire. La première fois qu’il
passa le concours d’entrée en école vétérinaire, il fut admissible dans la meilleure école,
l’école vétérinaire de Maison Alfort. Mais il dut abandonner à l’oral pour de graves et
persistantes migraines. L’année suivante, il réussira à école vétérinaire de Lyon, quai de la
Soane.
Tierno Ba épousa le 21/08/1959 à Dinguiraye Mariama Diélo Ba, infirmière de profession. Au
moment de leur mariage, Tierno Ba était en deuxième année d’études et Mariama Ba en
première à Conakry. Il revint de Lyon pour se marier et ramener son épouse avec lui. Le
mariage religieux fut célébré à la mosquée de Dinguiraye, le civil à la mairie, et la réception
organisée à la « Commandature ». Ce fut un très grand mariage avec toutes sortes de danses.
A l’époque le mariage religieux était simple. Les vieux des deux familles allaient à la prière de
17 h, et une fois la prière achevée, ils procédaient au mariage entre les deux jeunes. Les pères
en étaient alors informés. Quant aux femmes, elles l’apprenaient souvent après coup. Les
mariages à la mairie étaient obligatoires parce qu’il fallait vérifier que les filles avaient plus de
18 ans et devaient donner leur accord.
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Mariage de Tierno Sabitou et Mariama Dielo Ba
Après quatre années passées à l’école vétérinaire de Lyon, il revint à Paris se spécialiser en
zootechnie (science de l’alimentation des animaux) à Censier-Daubenton. A Paris, il faisait ses
stages techniques à Jouy-en-Josas, non loin de Versailles, et après ses stages, il multipliait les
emplois de vétérinaire assistant. Il finira par travailler avec un vétérinaire dans l’optique de
s’associer à ce dernier, un certain Dr Alix, au sein d’une clinique vétérinaire de Beaumont-Les-
Autels. C’était en 1961-1962.
En 1963, Mamadou Ba, arrivant de Conakry, -- insista pour qu’il rentre en Guinée. Ce n’était
pas un souhait, mais plutôt un ordre avec l’ultimatum de rentrer immédiatement. Dr Alix fera
tout pour que Tierno reste, mais rien n’y fit. Alors que Tierno était pratiquement, mais non
encore formellement, associé du cabinet vétérinaire il dut rentrer à Conakry ; sa femme
Mariama Dielo avait des soins dentaires en cours, qu’elle dut annuler, ainsi qu’un diplôme en
cours de préparation, auquel elle a renoncer.
Dès son retour en 1963, il est nomà l’OPEMA, Ministère de l’économie rurale, où il coiffera
les services de la pêche. A ce poste, il eut pas mal de déboires avec les femmes qui vivaient de
pêche car celles-ci ne voulaient respecter ni les normes ni les nouvelles directives inspirées de
ce qui se faisait de mieux dans le secteur. Des sanctions de licenciement furent proposées
contre celles coupables de manquements à la législation, mais face aux caciques du PDG qui
souhaitaient voir leurs protégées épargnées, il exigea qu’elles fussent toutes licenciées ou à
défaut, toutes conservées au sein de la structure. Cela ne plut guère en haut lieux.
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L’Etat venant de finir la construction des abattoirs nationaux, il fut nommé directeur général
des abattoirs nationaux. Il y resta jusqu’à son arrestation à 33 ans.
Tierno s’intéressait beaucoup à la recherche. Lorsqu’il était à l’abattoir, il avait fait venir des
vaches russes à Beyla (il pensait que Beyla pouvait nourrir toute la Guinée), à Ditinn (Fouta) et
à Famoèla en Forêt dans le but de faire des inséminations artificielles ayant pour objectif
d’accroître la productivité de la race bovine locale « Ndama ».
En 1969, il partit en mission à Dakar, mais auparavant, il s’arrêta chez sa sœur Maïmouna
Maréga pour l’informer qu’il ne reviendrait plus en Guinée. A Dakar, Abdou Diouf lui donna
une voiture avec cocarde et lui proposa de gérer l’école vétérinaire de Dakar. Mais
étrangement, il décida de revenir. Peut-être avait-il des remords à vouloir abandonner son
re entre les mains de ses sœurs ; les principaux hommes de la famille n’y seraient pas :
Mamadou Ba était déjà à la Banque Mondiale à Washington. Il s’est peut-être dit que si son
père venait à mourir, il ne serait enterré que par ses sœurs ; ce qui ne se faisait pas dans la
tradition. Ainsi, contre l’avis de ses amis et sœurs, il décida de revenir en Guinée. Sa disparition
désorganisera considérablement la famille car il en était une pièce maîtresse.
Il fut arrêté le 12 avril 1969 à 14 h en même temps que Bocar Maréga, à l’occasion de ce que
le régime a appelé le complot Kaman-Fodéba, et en l’absence de sa famille. En effet, son fils
Sellou et sa femme, Mariama Diélo, se trouvaient au Libéria ; sa fille née, Nima, était chez
son homonyme, Hadja Nima Sow à Conakry. Du Libéria, Mariama Diélo et Sellou rejoignirent
à Daloa en Côte d’Ivoire ; Fatoumata Diakité, la sœur ainée de Mariama. Quant à Nima, elle
sera exfiltrée de Guinée en 1970 par un cousin de son grand-père, par la route à travers le
Mali jusqu’à Daloa en Côte d’Ivoire. Ils finiront tous par s’installer chez leur oncle Mamadou
Ba, basé en Abidjan.
Lors de son arrestation, les policiers ne laisseront rien ; son appartement à l’IFAN fut
entièrement pillé. Il fut arrêté principalement parce qu’il était le frère de Ba Mamadou,
condamné à mort par contumace. Tierno Ba ne sera revu par la famille que le 22 novembre
1970 lors de l’attaque du Camp Boiro par les Portugais. Le camp fut ouvert, et les prisonniers
libérés rentrèrent chez eux. Lorsque les Portugais repartiront avec leurs prisonniers, les
anciens détenus seront rappelés à la Permanence de Dixinn. On ne le reverra plus jamais. En
avril 1984, lors du coup d’état du CMRN et après l’ouverture de tous les camps
d’emprisonnement, on saura qu’il avait été exécuté. Longtemps après, dans le livre dAlsény
René Gomez « Camp Boiro - Parler ou périr », on apprendra qu’il avait été transféré à la prison
de Kindia, dont il sera extrait dans la nuit du 3 janvier 1971 pour être fusillé avec ses
compagnons d’infortune.
Que leurs âmes reposent en paix !
Ba Mohamed Sellou et Ba Nima, les enfants, et Ba Mariama Diélo, l’épouse
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Tierno Sabitou BA
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TEMOIGNAGE de Nima Ba
On a arrêté mon père, j’avais 9 ans. Aujourd’hui j’en ai 59, mon frère 56. Son manque se fait
toujours sentir.
Je n’ai pas de photos de mon père avec mon petit frère qui avait 5 ans au moment de
l’arrestation. Ma mère était au Libéria avec lui. Les militaires ont pillé et saccagé notre
appartement à « IFAN » ; et ma mère a tout perdu.
J’allais à la ferme avec mon père. Un jour un serpent cracheur lui cracha dans les yeux. Il réussit
néanmoins à nous conduire à la maison. Tout le monde était étonné qu’il ait pu le faire car il
paraît que ce venin était extrêmement douloureux.
Avant son arrestation il me rapporta d’un voyage une poupée miniature avec des accessoires.
J’adorais ce jouet et lors de ma fuite, Kaou Abdul le cousin de mon grand-père me disait de les
cacher dans le camion qui nous transportait et surtout de ne pas parler français car on serait
démasqué et donc se faire dénoncer.
Je me souviens aussi des parties de cartes qu’il faisait avec ses beaux-frères et ses amis. Je me
souviens de la fumée, du bruit qu’ils faisaient en parlant, en rigolant. Ces parties duraient des
heures.
Nous avions un chien berger allemand qui s’appelait Lork. C’était le chien de mon père, son
fidèle compagnon. Après l’arrestation de mon père, Lork reniflait nos affaires et pleurait.
Quand je me suis retrouvée seule, je suis allée habiter chez mon homonyme et tante Mme
Nima Ba Sow, qui habitait à Ratoma). Lork et moi étions ses nouveaux pensionnaires. Lork
était mon compagnon de jeu et mon protecteur. A Ratoma, je me promenais souvent avec lui
dans le quartier. Un jour, un petit garçon voulu me taper ; Lork me défendit en le mordant.
D’après mes tantes, mon père aimait sa famille et s’en occupait. C’était une personne entière
et responsable. Il était capable de piquer de grandes colères aussi bien que poser des actes
d’une grande générosité.
Il a fait de brillantes études à l’école vétérinaire. A Lyon, il avait la possibilité de reprendre un
cabinet térinaire. Mais son grand frère lui a demandé de rentrer pour participer à la
construction du pays.
Aujourd’hui encore à Dinguiraye, des gens parlent de lui avec affection et admiration.
Dans notre village à Hèllayabèh, il a de nombreux jeunes homonymes bien qu’il ait disparu
depuis 50 ans.